« Nous, le peuple du Québec, proclamons la présente constitution... »
Mémoire présenté par le MCDQ au
Comité
consultatif sur les enjeux constitutionnels du Québec
au sein de la fédération
canadienne
Il
faut remercier le gouvernement actuel de mettre à jour la réflexion sur les
pouvoirs constitutionnels du Québec. Mais il faut aussi éviter de perdre de vue que
cette réflexion dure depuis bien longtemps, bien trop longtemps. Historiquement, on peut remonter jusqu’aux 92
Résolutions du chef des patriotes, Louis-Joseph Papineau en 1834.
1. En un mot, il est grand temps,
plus que grand temps que la période des griefs cède la place à la solution, que
la réflexion fasse place à l’action. Depuis le Rapport Durham de 1839, nous
savons que tous les gouvernements fédéraux ont mené une politique
d’assimilation de la nation québécoise par l’immigration. En 2024, voilà que le
gouvernement fédéral annonce un Canada de 100 millions d’habitants à la fin du
siècle ! L’effet recherché est au mieux une minorisation radicale de notre
nation ou, au pire, sa disparition complète.
Il est donc aussi urgent que
fondamental que notre nation assure sa survie en se dotant des pouvoirs
nécessaires. En un mot, il appartient à la nation de se donner sa propre constitution.
La première étape consiste à se doter
d’une assemblée constituante.
2. Nous croyons essentiel de rappeler
que tout exercice « constituant », c’est-à-dire destiné à produire ou
redéfinir la constitution du peuple et de l’État québécois, doit impliquer au premier plan le peuple
québécois lui-même dans toute sa diversité territoriale et sociale. Un
exercice constituant ne peut provenir d’un Comité, d’une Commission, d’un Parti
ou d’un Gouvernement; en d’autres mots, être un exercice partisan. Seul le peuple
– We, the People – peut
décider comment il entend se gouverner : c’est le principe fondateur de la
démocratie.
Cet exercice constituant citoyen se
réalise normalement par la convocation par l’Assemblée nationale d’une
Assemblée constituante représentative, non partisane et libre de ses décisions,
laquelle inclut normalement un exercice de consultation de l’ensemble de la
population, en tenant compte de sa diversité territoriale et sociale.
Il s’agit donc d’un exercice beaucoup
plus large qu’une simple consultation ou de recommandations d’un Comité ou même
d’un référendum partisan plus apte à dresser deux camps l’un contre l’autre
qu’à susciter une véritable délibération de l’ensemble des citoyens québécois.
3. Nous estimons que le débat actuel
concernant une constitution québécoise est mal posé par les divers partis en
place.
Ce qu’il faut envisager, c’est une
constituante... et une constituante citoyenne, non pas partisane. Le PQ
post-Lévesque veut une constitution pour indépendantistes. Le PLQ commence à
parler d'une constitution pour protéger la minorité. QS veut une constitution
après son élection et avec mandat prédéterminé. La CAQ, avec ce Comité
d’experts sur les enjeux constitutionnels du Québec dans le Canada s’oriente
vers un programme constitutionnel.
Il serait plus qu'utile de tenter de
mettre l'accent sur une constitution qui constitue au lieu de diviser, et où le
nous dans « Nous, le peuple
québécois » prenne le sens que lui donnait René Lévesque, celui de tous.
4. Il nous paraît essentiel de
rappeler que ce qui est à la base de toute souveraineté, c’est la souveraineté
du peuple. La souveraineté de l’État en découle.
Il nous paraît essentiel dans toute
démarche constitutionnelle de prioriser le recours au peuple québécois, à la
souveraineté populaire, à notre expérience vécue, comme peuple, du pays et du
territoire. Les partis politiques, PQ inclus, parlent et agissent trop souvent
comme si le pays et le peuple québécois n'existaient pas : ils existent
pourtant bien concrètement et ils sont le socle sur lequel bâtir la
souveraineté politique de l'État québécois. Il est vain de vouloir définir et
réaliser l'avenir du Québec avec les seuls partis politiques, sans recours
concret au peuple et au territoire du Québec. Même nos élections, nous le
savons, en raison de l’emprise qu’y exercent les partis politiques, ne
constituent pas une véritable consultation populaire.
« Les enjeux
constitutionnels », pour reprendre les termes du mandat du Comité actuel,
ne sont pas à prime abord des enjeux politiques. Le pays québécois existe, le
territoire québécois et ses régions existent, le peuple québécois existe avec
son identité, sa culture, son histoire. C’est à lui d’abord et avant tout à
parler, à dire quel Québec il veut pour l’avenir, quelle souveraineté il veut
pour son État national, comment il veut se gouverner : ce sera ensuite aux
gouvernements québécois et canadien d’y donner suite. Le peuple a tous les
pouvoirs en démocratie, et en ce sens, il a toujours raison.
5. Quand on parle de
territoire québécois, il ne faut pas négliger de penser aux onze nations
autochtones qui le partagent avec nous et que le Québec reconnaît comme
des nations distinctes et souveraines. Ainsi l’assemblée constituante
devrait consacrer une partie de sa réflexion pour assurer, de concert avec les
nations autochtones, les instances de représentation et de
concertation nécessaires pour assurer une cohabitation et une association
féconde.
Enfin, et en résumé, nous croyons que
l’heure est venue pour que le peuple se substitue aux politiciens dans cette décision
fondamentale de se constituer. Il ne faut pas perdre de vue que la légitimité
politique de nos élus actuels leur vient justement de la constitution
canadienne qu’il s’agit de modifier ou d’abandonner. La seule légitimité authentique
en démocratie est celle du peuple tout entier. Place donc à la souveraineté
populaire, au peuple lui-même, à ses territoires et à sa diversité sociale et
culturelle. C’est là que résident la force politique et la richesse nationale
du Québec.
Recommandation
IL EST RECOMMANDÉ QUE L’ASSEMBLÉE
NATIONALE DU QUÉBEC ADOPTE UNE LOI ÉTABLISSANT UNE ASSEMBLÉE CONSTITUANTE
CITOYENNE MANDATÉE POUR DOTER LE QUÉBEC DE SA PROPRE CONSTITUTION.
En complément
Un modèle pouvant inspirer un projet
de loi instituant une assemblée constituante citoyenne pourrait être celui
préparé en 2008 par André Larocque à la demande de Sébastien Proulx alors qu’il
était Leader de l’Opposition officielle à l’Assemblée nationale du Québec.
PROJET DE LOI
SUR L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE
CITOYENNE
LE
PARLEMENT DU QUÉBEC DÉCRÈTE CE QUI SUIT
Chapitre 1
OBJET ET INTERPRÉTATION
1. Cette
loi a pour objet d’instituer l’Assemblée constituante citoyenne dans le but
d’établir une Constitution pour le Québec.
Chapitre 2
COMPOSITION
2. L’Assemblée
constituante est formée de vingt-cinq citoyennes et citoyens.
3. L’Assemblé constituante est présidée par
une citoyenne ou un citoyen désigné par l’Assemblée nationale du Québec.
4. Le
président de l’Assemblée constituante établit les règles pour le tirage au sort
des citoyens participants en s’assurant d’une représentation basée sur la parité
des sexes, les groupes d’âge et la représentativité territoriale.
Chapitre 3
FONCTIONNEMENT
5. L’Assemblée
constituante agit en toute liberté et indépendance face à l’Assemblée nationale
du Québec et face aux partis politiques du Québec et du Canada.
6. L’Assemblée
constituante procèdera sur une période de deux ans. Les trois premiers mois sont consacrés à ce
que l’Assemblée constituante définisse ses règles de fonctionnement et les
méthodes par lesquelles elle procédera à la consultation populaire. Pendant la période d’un an, l’Assemblée
procédera à une consultation intensive, notamment dans chaque région, de façon
à dégager l’expression de la volonté générale de la société québécoise. Dans
une troisième étape, l’Assemblée
déterminera le texte de la Constitution du Québec qu’elle soumettra à une
consultation populaire nationale.
7. Le
texte de la Constitution inclura les dimensions suivantes :
* la prééminence de la souveraineté
populaire
* une citoyenneté québécoise
* les valeurs fondamentales de la
société québécoise
* l’organisation des
pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, et les relations entre eux
* le mode d'élection du Premier ministre
et des députés
* le pouvoir des citoyens au plan
territorial.
8. L’Assemblée
nationale, dans les six mois suivant le dépôt du rapport de l’Assemblée
constituante, soumet sans modification le projet de Constitution au référendum.
Chapitre 4
SUPPORT
9. De
façon à assurer son indépendance et son efficacité, l’Assemblée constituante
s’appuiera, pour son financement et son administration, sur les services du
Directeur général des élections du Québec
10. Sur
demande du président de l’Assemblée constituante, le Directeur général des
élections fournit les ressources humaines et matérielles nécessaires. Le
Directeur général des élections s’assure de fournir à l’Assemblée constituante
les moyens appropriés pour que la démarche vers une Constitution du Québec se
fonde sur une large information de l’ensemble des citoyens, sur leur
compréhension optimale, et sur la participation active du plus grand nombre
possible de citoyennes et de citoyens.